Giorgio SaleL’esthetique de la nouvelle historique : le cas exemplaire de Dom Carlos.SummaryThe aesthetics and poetics of historical tale: the exemplary case of Dom Carlos. Since the date of its publication (1672), Dom Carlos the historical tale of Saint-Real, became accepted in France like a definite generic model of its kind. It constituted an important stage in the proceedings of aesthetic renewal of the classical genre of novel. The text shows a historical subject described by the narrator operating within the strict domains of a concrete reality. The characters, (a small number of them), are by no means fictive or imaginary. In comparison with novels of the first half of XVII century, the action induces some sort of a sensitive concentration. The story generally follows the chronology of a concrete historical development, whereas a distinct changes in a classical ‘embellished aesthetics’ of the narrative work seek some hidden pedagogical aim. This aim is described and explained at the end of the story, via condemnation of vices and by a vivid triumph of virtue. The relation of this process towards the implicit reader involves a linear construction of the entire story. These long retrospective-tales are in general very typical for the novels of the previous periods but will be abandoned in future. Rules and structure of the construction of the tale. The abbot’s tale is connected to the structure of “bienseance”. The characters’ and narrator’s language is always distinct and clear. It is devoid of the complex stylistic ornaments and does not involve changes or combinations of different tones. The characters’ environment and social position are been significantly rebuilt. However, when the historical reality presents (introduces) situations or events not consonant with the “bienseance” principles, the author prefers to replace the historical truth/reality by reconstruction of the facts less veritable, but more suitable to the ethic and aesthetic narratives from which it takes its inspiration. The time of the tale. The order of the plot, in accordance with a more structured chronological development, represents another aspect of the classical narrative related to the literary conventions of the previous period. It was not much indebted to the historical chronology, been more dependant upon the “Ordo Artificialis” literary establishment.The choice of the history setting in a recent period establishes another feature of the classical aesthetics as regard the previous narrative production. The Saint-Real tale takes place with a concrete delineated historical period of time: between 1556 and 1568. This limitation allows the reader an easier verification of the narrator’s writing tradition, depicting the corresponding events transposed in the tale. The complex relationships between the history and the fiction. The relationship between the realms of history and fiction represents the more interesting aspect of the tale of Saint-Real. The story of the French author suggests a complex process of convergence and fusion between the political history (the history of the Spanish Monarchy between 1556 and 1568), that the narrator can not modify and the private (personal) history (including a certain sentimental vicissitudes reserved for the protagonist, the Prince of Spain).The story strives to produce an assimilation of the imaginary events to those of historical statute. To achieve this objective, the narrator does not limit himself to the events and characters drawn from the real history, but he reuses typical narrative shapes of the historiographical genre. In the Avis he insists on the twofold purpose in his works: an ethic type, prescribed by the classical novel and another one of a new nature. The tale seeks to rehabilitate the two figures of Don Carlos and Elisabeth of France. For the purpose of this tale, the narrator has to go back to historical sources that have been widely circulated at this period of time. Those cross-references aim to supply the reader with the possibility to verify the affirmative points reported by the narrator. The fictious text is therefore announced like the hypertext of several subtexts of the historical tradition. The history writing: the authentication of narrative techniques. One method of the authentication is realized by the author and consists of constructing the different apparatus-notes. This custom of providing an intertextual cross-reference, as a ‘tradition’ is relatively usual in this historiographical production, but it is less familiar in the other narrative works of fiction. This ostentation from the author provides a guarantee of the veritable history; it is a clear sign of the narrator’s will to direct the addressee to check the tale’s context vis-a-vis any other texts of this historiographical genre. Another device of the tale-authentication relates to the mere choice of the characters. In fact, all the figures of the tale, from the main character to the simple appearance, could be found in the real history of the corresponding time. Dans les histoires litteraires qui font une place a l’abbe de Saint-Real (1643-1692) on souligne l’importance de son ?uvre narrative pour le melange d’histoire et de fiction. L’abbe savoyard ne fut pas le premier auteur a introduire des evenements historiques dans un contexte litteraire fictionnel, mais son ?uvre fut percue des le debut comme un modele de la nouvelle historique1. Dans le proces de recuperation de l'histoire a l'interieur d'un genre narratif de fiction, la publication, en 1662, de La Princesse de Monpensier2, de Mme de La Fayette, represente un moment important. Dans ce texte les evenements historiques ne constituent plus une simple toile de fond sur laquelle l'auteur represente des personnages plus ou moins proches de la realite, mais toujours inventes. L'histoire entre desormais dans la composition de l'intrigue et determine, en partie, les actions des personnages, eux memes historiques3. Un rapport de cause a effet s'instaure entre l'intrigue sentimentale, qui represente le sujet principal du recit, et les evenements historiques cites dans le texte, qui en constituent le cadre et le milieu ou se situent les actions des personnages. Les nouvelles galantes, qui rencontrent la faveur du public entre les annees soixante et les annees soixante-dix, d'un cote reprennent la vraisemblance et le realisme de certaines nouvelles de Segrais4, mais n'hesitent pas, d'autre part, a imiter les romans dans le choix des noms exotiques des personnages, dans l'introduction de lettres, de longues conversations sur divers sujets et meme de vers. Par la longueur du recit les nouvellistes manifestent une intention, peut-etre inconsciente, de reconduire le genre de la nouvelle vers les preceptes du roman tel qu’il se pratiquait jusqu’a la moitie du siecle. Malgre leur pretendu realisme, les nouvelles galantes ne puisent pas leurs sujets dans l'histoire. Et, fait significatif, lorsque Mme de Villedieu, dans Les Annales galantes, introduit des personnages historiques, elle n'appelle pas son recueil nouvelles, mais annales5, comme si elle voulait souligner le fait qu’il s’agit d’un autre genre, et non plus de nouvelles. De plus, elle declare avoir « ajoute quelques ornemens a la simplicite de l'Histoire »6 et adapte la chronologie historique a une supposee « chronologie galante ». Dans ce contexte, la premiere nouvelle historique de l’abbe de Saint-Real represente un jalon d’une grande importance dans le parcours de renouvellement de l’esthetique du roman classique7. L'interet pour le Dom Carlos tient au fait qu'il s'agit, en France, sinon du premier exemple, comme on l’a vu, du moins du specimen le plus representatif du genre de la nouvelle historique et qu’il constitue, meme dans la conscience des contemporains, une etape importante dans la production narrative en meme temps qu’un modele formel auquel les auteurs s’inspirent. Le texte de Saint-Real presente tous les elements distinctifs qui caracterisent la production litteraire en prose de cette periode. Contrairement a ce qu’il se passait dans les longs romans de la premiere moitie du XVIIe siecle, Dom Carlos contient un recit non seulement tres vraisemblable, mais aussi dont le sujet est tire de l’histoire. En effet, selon les preceptes de la bienseance, l’esthetique classique introduit des bornes a l'invention du narrateur, qui peut se developper en marge de l’histoire. L’action de la nouvelle est tres resserree et comporte un nombre restreint de personnages, eux-memes historiques. La narration suit la progression chronologique et ne comporte que tres peu de digressions et de retours en arriere, qui d’ailleurs restent strictement lies a l’action principale. En suivant le gout du public, l’auteur de la nouvelle n’a donc pas reproduit la structure narrative fondee sur un systeme de recits intercales a l’interieur de l’action principale qui caracterisait la production romanesque jusqu’aux annees soixante. Meme dans la fonction communicative, Saint-Real se soumet aux preceptes de l’esthetique classique. Selon l’ideal du classicisme, l’?uvre narrative est souvent construite dans un but pedagogique. Les romans doivent conduire le lecteur a l’apprentissage d’une lecon de morale qui trouve son couronnement a la fin du recit, avec la defaite du vice et le triomphe de la vertu et de l’honnetete8. Les narrateurs doivent alors adroitement acheminer leurs lecteurs vers la conclusion edifiante, en otant de leurs recits tout obstacle qui puisse ralentir l’action principale et, entre autres, toutes les digressions et les histoires paralleles. En effet, comme l’on sait, dans les romans de la premiere moitie du siecle l’insertion d’histoires et d’episodes intercales, pour la plupart tres invraisemblables, interrompait le noyau central de la narration pendant plusieurs centaines de pages. Ce procede determinait l’extraordinaire longueur des romans. Mais, vers la fin des annees soixante, de pareilles entraves au deroulement de l’histoire avaient commence a fatiguer le public. Saint-Real n’introduit qu’assez peu de recits retrospectifs9 et, de plus, ils sont strictement lies a l’action principale, servant a mettre en lumiere un aspect de la psychologie du personnage (la violence des passions chez Don Carlos, son obstination et l’antipathie envers son pere dans le premier episode signale) ou a justifier le developpement des evenements presents (la cause pretendue de l’interet des Turcs au soulevement des Mores en Espagne, dans le deuxieme episode). Les regles de la construction du recit. Les actions des personnages de la nouvelle et leurs actes de langage, ainsi que l’acte de langage du narrateur, repondent pleinement aux contraintes de la bienseance. Jamais le texte ne presente de situations qui puissent choquer la sensibilite du lecteur ou aller contre le sens commun de la pudeur. Le langage est chatie, tres clair, sans ornements stylistiques complexes et sans changement ou melange de tons. L’auteur, enfin, est tres attentif a la reconstitution historique du milieu et de la position sociale des personnages. Lorsque les sources historiques presentent un evenement peu convenable ou peu approprie, par sa simplicite, au rang des protagonistes, l’auteur prefere substituer a la verite de l’histoire une reconstruction des faits plus noble, quoique non-historique, tout en sauvegardant la vraisemblance de son recit. Ainsi, Saint-Real relate-t-il un accident qui conduisit don Carlos a un etat d'extreme peril pour sa vie, mais il n’hesite pas a modifier les donnes de la tradition historiographiques :
La plupart des historiens, meme ceux qui constituent le corpus historiographique cite par l’auteur, concordent dans l'attribution de cet accident a une chute d'escalier, a Alcala de Henares, en 1562 ; cet accident arriva pendant que le prince se rendait secretement a un rendez-vous galant avec une jeune fille d’une assez modeste condition sociale. Mais une telle mesaventure aurait ete trop prosaique et peu adequate a la condition elevee d’un prince qui etait, par surcroit, l’heritier de la couronne d’Espagne. Ainsi, l’auteur a-t-il substitue a l’accident une plus convenable chute de cheval, presentant le personnage dans une situation moins ridicule et plus appropriee a un heros romanesque. Le narrateur insiste, en outre, sur le fait qu'il ne s'agit pas exactement d'une chute, mais d'une action volontaire du prince avec une conclusion malheureuse. Et il fournit meme des justifications qui expliquent la decision courageuse du prince de se jeter a terre. Le temps du recit. Un autre aspect concernant la disposition de l’intrigue distingue le roman classique de celui de la periode precedente. Comme l’on sait, les romanciers de la premiere moitie du siecle ne se souciaient pas de respecter la chronologie de l’histoire, qu’ils utilisaient, d’ailleurs, comme une pale toile de fond. Cela leur permettait de glisser dans leurs recits de nombreux anachronismes et, par le meme biais, d’alterer la verite des evenements historiques auxquels ils faisaient reference. Dans les romans de cette periode, enfin, les auteurs preferaient introduire la narration par un incipit in medias res, qui presentait une situation surprenante12. Cela comportait l’adoption d’un ordo artificialis plus apte a garantir, de la part du narrateur, une manipulation des donnees, meme des donnees historiques, moins coercitive. En revanche, le texte de Saint-Real, ainsi que la plupart des romans classiques, adopte un ordre chronologique qui impose au narrateur une exposition des faits selon une sequence preetablie par la realite externe au texte. Le narrateur du Dom Carlos introduit son recit par la presentation de la situation generale dans laquelle s’insere l’action et il fournit un bref resume concernant l’histoire des protagonistes. Ce rappel sert a expliquer le developpement de l’intrigue. En effet, selon les preceptes de l’esthetique classique, l'incipit in medias res, comportant souvent l'exposition d'une situation surprenante, tres prise dans la production romanesque precedente, ne repondait pas au canon de la vraisemblance, auquel les auteurs voulaient desormais se soumettre. Ce genre de debut, en outre, presentait, a leurs yeux, un autre inconvenient : il allait a l'encontre des criteres de clarte poursuivis par l'esthetique classique. Le lecteur, en effet, aurait ete directement introduit dans l’univers fictionnel sans une prealable presentation des personnages et sans l’exposition des causes qui justifiaient les actions racontees. L’inconvenient, selon leur point de vue, residait dans le fait que les personnages n'avaient pas une caracterisation suffisamment marquee ; en fait, l’esthetique narrative de la premiere moitie du siecle permettait aux auteurs de longs romans de jouir d’une plus grande liberte dans l’inventio, en introduisant, par exemple, des accidents et des digressions qui visaient a representer les differents aspects du caractere des heros a travers toute une suite d'exemples tires de leurs vies. Dans ces digressions, enfin, les romanciers decrivaient souvent d’une facon hyperbolique les personnages et leurs aventures, qui n’avaient pas la pretention de respecter la vraisemblance. Les conventions concernant la production narrative de cette periode etaient donc moins restrictives. Dans le roman classique, en revanche, les auteurs abandonnent la description de faits materiels et preferent tracer le caractere des personnages a travers la presentation d’evenements de nature psychologique, et cela sans alterer l’ordre chronologique de l’histoire. Le choix d'un temps recent est egalement un trait distinctif de l’esthetique classique par rapport a la production romanesque de la periode precedente. Cette donnee apparente Dom Carlos aux nouvelles de beaucoup de ses contemporains et des memorialistes. Ainsi, dans l'?uvre de Saint-Real, les episodes principaux qui constituent la structure de l'intrigue suivent les etapes importantes de l'histoire espagnole dans la periode comprise entre 1556 et 156813. Ainsi, non seulement l’intrigue de la nouvelle se conforme-t-elle a l’ordre naturel de la chronologie, mais elle doit aussi se soumettre a un processus de verification que tout lecteur peut exercer a travers une confrontation du texte fictionnel avec ceux de la tradition veridique des faits racontes14. Dans la nouvelle de l’abbe savoyard l’incipit est represente par un evenement historique, le traite de paix entre l’Espagne et la France qui comportait un mariage entre Don Carlos et Elisabeth de Valois. Le narrateur presente l’etat d’ame des heros a ce moment de leur histoire et commence ainsi a ebaucher leur psychologie. Ce commencement ab ovo a aussi la fonction de presenter comme legitime le sentiment qui unit les deux protagonistes et a preparer leur malheur. En effet, un autre traite de paix entre les deux nations etablit le mariage de la princesse avec Philippe II, roi d’Espagne et pere de Don Carlos. Ce changement inattendu transforme leur penchant naturel en une passion criminelle. La modification introduite par le deuxieme traite de paix bouleverse completement une histoire possible, qui a ete ebauchee au moment de l’acceptation du premier traite, mais qui ne se realise pas. L’heureux mariage du prince heritier de la couronne d’Espagne et d’une princesse de France reste une hypothese fictionnelle virtuelle, a sa place s'insinue une autre histoire, bien differente de la premiere, actualisee, et dont la realite peut etre verifiee par le lecteur. L’auteur a choisi de placer son recit, non pas du cote de l’invention libre, des mondes fictionnels, mais dans celui, beaucoup plus etroit, d’une invention bornee par la realite historique15. Les rapports entre l’histoire et la fiction. Un des aspects les plus interessants dans l’?uvre de Saint-Real consiste justement dans les rapports que le texte de fiction instaure avec l’histoire. L'histoire de don Carlos se situe a mi-chemin entre l'histoire politique - celle de la monarchie espagnole dans la periode comprise entre la treve de Vaucelles suivie de l'abdication de Charles Quint, en 1556, et la mort du prince et de la reine en 1568 - et l'histoire privee, celle de la vie et des amours du prince don Carlos, de ses relations avec son pere, sa belle-mere et les autres personnages de la cour madrilene. Saint-Real construit son recit en poursuivant un projet de convergence, d’entrecroisement et de fusion entre l'histoire politique, qu'il ne peut pas modifier, et l'histoire privee, ou il peut intervenir a loisir pour introduire des situations romanesques. Ce melange savant d'histoire et de fiction permet a l’auteur d’atteindre une apparence de verite historique dans les passages memes ou il a introduit des elements tout a fait fictionnels. L’histoire, donc, joue un role determinant dans la construction de la nouvelle, au point que presque toutes les actions des protagonistes sont liees par un rapport d’implication ou de temporalite aux evenements historiques de la periode dans laquelle se situent les faits racontes. Mais l’imbrication entre le modele litteraire et celui de l’historiographie se presente a plusieurs niveaux du texte, produisant, parfois, un jeu tres ambigu qui pourrait derouter le lecteur. En effet, Saint-Real, malgre le sous-titre attribue au texte, Nouvelle historique, non seulement ne se declare pas romancier, mais se presente en historien et traite son ?uvre selon le modele de l'historiographie. Il construit la nouvelle en reutilisant des donnes historiques, mais aussi en empruntant les formes et les procedes narratifs propres au genre historiographique.
L'auteur, donc, attribue deux buts a son ?uvre, l'un ethique et l'autre cognitif, concernant la memoire historique d'une princesse francaise. Ensuite, dans le deuxieme avis, il indique ses sources et il renvoie le lecteur a la tradition veridique qui traite le meme sujet17. Il commence enfin son recit en proposant une reecriture et une nouvelle interpretation des evenements plusieurs fois attestes dans les recits historiographiques. Le texte de la nouvelle s’annonce donc comme le resultat d’une recherche complexe qui comporte la reelaboration des nombreuses sources citees par l’auteur dans le paratexte. L’?uvre de fiction constitue l'hypertexte de plusieurs hypotextes relevant de la tradition historiographique. L’ecriture de l’histoire : les techniques d’authentification. Le procede d’authentification le plus etrange dans ce recit de fiction - mais c'est justement l'apparence de la fiction que l’auteur veut eloigner de l'esprit du lecteur - est le recours a un apparat de notes, dispositif recurrent dans les textes historiographiques, quoiqu’il soit inhabituel dans la production romanesque. L’auteur s’en justifie et en explique la fonction dans le deuxieme avis18. Ces renvois intertextuels constituent des traces evidentes d'une volonte de conduire le destinataire dans la direction de lecture typique des recits veridiques. La rencontre de l'histoire et de la fiction se realise, dans Dom Carlos, a travers une exhibition ostentatoire des contenus et des formes qui viennent, eux aussi, de l'historiographie. La partie de fiction n'est abordable que si elle se soumet aux memes regles que le recit d'histoire. A travers ce procede l’auteur voudrait inserer sa nouvelle dans une tradition de textes historiographiques. Le but d’un tel dispositif de renvois doit etre recherche dans la volonte d’authentification du recit : l’exhibition ostentatoire des sources devrait induire le lecteur a recevoir le texte de la nouvelle comme s’il s’agissait d’une ?uvre de la tradition veridique. Le rappel des sources, avec un apparat de notes en bas de page, renforce l'impression d'une narration de l'histoire veritable, et favorise l'extension de cette caution de verite aux passages memes ou l'auteur a introduit des situations romanesques. Ce dispositif, en outre, constitue, pour le lecteur, une invitation a verifier le procede de reecriture, ce qui renforce ulterieurement la garantie de verite, et constitue l’un des elements sur lesquels l'auteur insiste pour produire l'assimilation du recit de fiction a la narration de la veritable histoire. Toutefois, si on y regarde de plus pret, cette invitation au lecteur pour qu’il exerce un controle n’est qu’un element formel, et l’insertion de la note ne comporte pas forcement une fonction conative du discours. En effet, si le lecteur se hasardait a controler les sources citees par l’auteur, il decouvrirait que, dans la plupart des cas, elles ne presentent aucun interet pour ce qui concerne l'evenement decrit par le narrateur. L’auteur anonyme des Sentimens d'un homme d'esprit, sur la nouvelle intitulee Dom Carlos19avait bien compris, peut-etre a ses frais, ce procede artificiel auquel a eu recours Saint-Real, puisqu’il observe que l’auteur de la nouvelle
L’absence de liens apparents entre le passage de la nouvelle et la source a laquelle renvoie le texte pour obtenir la caution historique revele, donc, le veritable role de ces renvois intertextuels. Leur inscription a l'interieur de la nouvelle, dans les parties consacrees a la vie privee des personnages historiques, n’a pour fonction que la creation d'une apparence d'authenticite. Pour creer l'impression d'un recit d'histoire, le narrateur recourt a des strategies narratives a travers des modeles de reecriture et de mise en forme des donnees historiques. Dans cette perspective, le premier et l'arriere plan se definissent par rapport a une reconstruction fidele de la realite historique que le lecteur est continuellement appele a verifier21, en collaborant, de cette facon, au dispositif d’authentification du recit. Dans le meme but, le choix des personnages joue un role extremement important. Tous les personnages de la nouvelle, des protagonistes aux simples comparses, sont des personnages dont on trouve des traces dans les textes des historiens22, ce qui produit un surcroit de credit pour le narrateur de la nouvelle et reaffirme ses pretentions de se presenter comme un narrateur historiographe. Cependant la nouvelle de Saint-Real affiche egalement son appartenance aux ?uvres de fiction et l’auteur peut donc traiter son sujet, et meme un theme historique, sans se soumettre a des restrictions de l'inventio dues a des facteurs exterieurs au texte. Cette prerogative lui consent d’enfreindre legitimement le respect de la realite historique, sans pour autant modifier les elements qui constituent le noyau evenementiel du sujet qui ont ete fixes par la tradition historiographique. De cette facon il peut preserver la convention du recit veridique qu'il pretend suivre, tout en construisant un recit dont l’interet tient a l’intrigue amoureuse. La specificite du melange de l'histoire et de la fiction que Saint-Real produit dans la nouvelle consiste, donc, dans l'extraordinaire operation de selection, d'interpretation et de disposition du materiel historique qu'il arrive a integrer harmonieusement a la partie de fiction. Il parvient a la fusion des deux plans a travers un complexe apparat de renvois intertextuels et d'adroites connexions entre les parties historiques et les parties romanesques qui composent son recit23. Ces renvois sollicitent le lecteur a verifier l'authenticite du contenu et a intervenir, parfois, pour creer lui-meme les liens logiques ou fournir les interpretations possibles que le narrateur ne fait que suggerer. Les avatars du modele. Apres la publication de la nouvelle historique de Saint-Real, d'autres ecrivains, avec une fortune changeante, recourent, jusqu'a la moitie du XVIIIe siecle, a la caution de l'histoire pour authentifier leurs recits de fiction. Il s'agit, d'abord, de recits qui imitent de pres leur modele, aussi bien dans la forme que dans le choix des sujets24. Mais ils s'en eloignent, justement, parce qu'il font une place differente a l'histoire. La declaration de Boursault dans la preface du Prince de Conde25 pourrait illustrer ce point et, en meme temps, constituer une definition du genre de la nouvelle historique :
Boursault introduit une distinction entre l'histoire privee et l'histoire militaire et politique, laissant la place de la fiction a la premiere et celle de l'histoire a la seconde. Entre les deux, la fiction peut encore s'elargir dans la creation d'un troisieme type de recit historique, tres exploite : l'histoire secrete. Inversement a ce qui se passait dans La Princesse de Monpensier et dans Dom Carlos, les auteurs utilisent l'histoire privee et pour cela restee inconnue ou volontairement cachee, pour trouver une explication fictive de l'histoire militaire et politique26. Mais l'utilisation de l'histoire qu'ils pratiquent est sensiblement differente de celle proposee par Saint-Real. Ils presentent au public, moins le recit des grands evenements historiques qui ont pour protagonistes des hommes illustres, que l'action de personnages secondaires dont il serait difficile de verifier la realite aussi bien que l'authenticite. L'histoire y apparait soit comme un cadre, soit comme un premier plan, uniquement dans la description de grandes batailles. Les auteurs encourent en de nombreux anachronismes et les justifient en renvoyant a des sources ignorees des historiens et connues d'eux seuls27. La caution de l’histoire ne repose donc que sur un acte de confiance que le lecteur doit accorder a l’auteur-narrateur. Par ce biais, en outre, celui-ci parvient a soustraire au lecteur toute possibilite de controle sur l’authenticite des evenements exposes dans le texte. Ce meme procede est souvent utilise aussi par le genre des recits qui recourent au modele autobiographique et se presentent sous la forme de memoires ou de pseudo-memoires. Les memorialistes utilisent l'histoire, meme celle recente, comme cadre spatio-temporel, souvent riche de references a des evenements historiques, sur lequel ils greffent une intrigue amoureuse ou politique. Comme les auteurs ne peuvent pas authentifier objectivement leur recit, ni a travers le renvoi a des situations connues de tout le monde, ni a travers la citation d'historiens, ils cherchent une caution dans la memoire de leur narrateur, qu'il presentent comme un temoin direct. Les auteurs peuvent ainsi faire tomber sur lui la responsabilite en ce qui concerne la realite des faits qu’ils exposent. De cette facon ils revendiquent l'authenticite de leurs recits par un renversement de la preuve utilisee le plus souvent par Saint-Real : les histoires qu'ils racontent ne pouvaient pas figurer dans les recits des historiens parce qu'elles etaient secretes et connues seulement par le narrateur. Ils confient, en fait, l'authenticite des recits a la credulite du lecteur et a la bonne foi dont il devrait crediter le narrateur. L'auteur ne demande plus caution a l'exterieur, a l'histoire vraie, mais cherche cette caution a l'interieur meme de son recit, a l'interieur de sa fiction28. Avec l'?uvre des memorialistes ou pseudo-memorialistes, qui ecrivent vers la fin du XVIIe siecle et dans les premieres decennies du XVIIIe29, on peut considerer close la parabole ascendante du genre de la nouvelle historique ainsi que la fortune dont avait joui le melange de l'histoire et de l'invention dans les ?uvres narratives au XVIIe siecle. En effet, dans cette periode, on assiste a un rapprochement de la nouvelle et du genre decrie, le roman. L'appellation de «petit roman» ou «roman», que les auteurs et les theoriciens donnent desormais aux nouvelles, rend bien compte de ce processus d’assimilation. Pour suivre le gout du public, les nouvelles reprennent techniques narratives, sujets et topoi propres aux romans de la premiere moitie du XVIIe siecle (une longueur qui rejoint parfois les sept cents pages, l’incipit in medias res, l'insertion d'histoires intercalees, les peripeties invraisemblables, les personnages aventureux et heroiques, les suites interminables d'incidents repetitifs30). Dans le panorama de la production narrative de la periode classique, le cas de Saint-Real reste exceptionnel et emblematique du processus de convergence de l'historiographie et du roman. Il represente le point de rencontre maximal des deux genres dans la production litteraire francaise du XVIIe siecle. Comme on l’a vu, avant et apres Saint-Real le recours a l'histoire ne sert que de cadre a un recit qui est souvent entierement une ?uvre de fiction. En effet, meme avant les nouvelles historiques de Saint-Real, les auteurs de romans heroiques31 ne manquaient pas d'invoquer une caution de l'histoire pour leurs recits. Dans ces textes, les evenements evoques appartiennent generalement a une epoque tres reculee, ce qui permet aux narrateurs des reconstructions tres approximatives. De plus, meme lorsqu’ils renvoient a des textes historiographiques, les indications que les romanciers fournissent aux destinataires resultent vagues ; elles ne font reference ni a un ouvrage precis, ni a un auteur particulier, ce qui empeche toute possibilite de controle de la part du lecteur32. Enfin, les heros de cette sorte de recits ne sont pas des personnages dont on peut demontrer, ni verifier, l'existence historique et, encore moins, peut-on prouver l'authenticite de leurs actions. Seuls des comparses qui entrent dans l'intrigue representent, du moins par leurs noms et parfois par leurs actions, des personnages historiques, alors que le premier plan du recit est occupee par les aventures, souvent invraisemblables, de personnages sortis de l'imagination des auteurs. Ces memes preceptes reapparaissent au debut du XVIIIe siecle et marquent la parabole descendante de l’esthetique classique, que la production romanesque de l’abbe de Saint-Real avait contribue a definir, particulierement par son Dom Carlos. Ce texte peut etre considere a bon droit comme le modele de reference du genre de la nouvelle historique, dont il a constitue l’apogee. Notes |
1 Frederic Deloffre dans son etude, La nouvelle en France a l'age classique (Paris, Didier, 1968) localise la premiere apparition d'une nouvelle historique dans le Journal amoureux de Mme de Villedieu, publie en 1669. En fait, deja en 1642 Francois de Grenaille, Sieur de Chatouniere, avait publie un recueil intitule Les amours historiques des princes (Paris, Chez Nicolas et Jean de la Coste). L’auteur se reclame de l’histoire et il cite les sources desquelles il a tire ses sujets. Ce recueil n’obtint pas de succes et cela pourrait expliquer le fait qu’il n’eut pas d’imitateurs immediats.
2 Paris, Jolly. Comme chacun sait, ce roman presente des caracteristiques qui annoncent un renouveau du genre: 1) l'?uvre ne presente pas la longueur des romans de la premiere moitie du siecle ; 2) l'action se deroule en France, au temps de Henri III (et pas dans l'Antiquite ou l'Orient conventionnels, comme c’etait le cas, par exemple, dans les romans de Mlle de Scudery) ; 3) le recit ne commence pas in medias res, mais par un bref resume de l’histoire passee du protagoniste ; 4) le texte ne presente pas de recits intercales.
3 La premiere rencontre entre les deux amants, ainsi que les occasions des rencontres successives, sont determinees par les sorts de la guerre; la mort du comte de Chabanes, l’un des protagonistes du roman, s'insere dans le massacre de la Saint-Barthelemy.
4 Jean Regnault, sieur de Segrais, Les Nouvelles francoises ou les divertissemens de la princesse Aurelie, Paris, de Sommaville, 1656.
5 Paris, Barbin, 1670, 2 voll.
6 Ibidem, dans l’Avant-propos.
7 Cesar Vichard de Saint-Real, Dom Carlos. Nouvelle historique, Amsterdam, Gaspar Commelin, 1672. Parmi les editions modernes de ce texte on signale celles etablies par Roger Guichemerre (Dom Carlos et autres nouvelles francaises du XVIIe siecle, Paris, Gallimard, 1995, pp. 189-264), celle de Robert Laffond et alii (Nouvelles du XVIIe siecle, Paris, Gallimard, «Bibliotheque de la Pleiade», 1997, pp. 505-562), celle, recente, de Laurence Plazenet (Dom Carlos : nouvelle historique, Paris, Librairie generale francaise, 2004) et enfin celle qui a ete procuree par moi meme (Dom Carlos. Nouvelle historique (1672-1691), Milan, LED, 2002). Toutes les citations renvoient a cette derniere edition de la nouvelle.
8 Dom Carlos est la representation des causes nefastes de la jalousie d'un monarque absolu. La jalousie du pouvoir et celle provoquee par la rivalite amoureuse, qui opposent Philippe II a son fils don Carlos, engendrent, dans le recit de Saint-Real, la chute finale avec la mort du prince et de la reine. En reprenant la theorie exposee dans son essai, De l’Usage de l’Histoire (Paris, Claude Barbin et Etienne Michallet, 1671), l’auteur de la nouvelle veut montrer comme des passions communes a tous les hommes prennent, chez les Grands, des proportions enormes et des suites extraordinairement eclatantes. La faiblesse d'un roi tres puissant le conduit a devenir le meurtrier de son fils et de sa femme.
9 Il n’y en a que deux qui presentent la longueur, d’ailleurs reduite, d’un recit, les autres evocations de scenes passees ayant plutot la fonction d’anecdotes rapportees (que l’on pense, par exemple, a l’episode du jeune moine allant reveiller l’empereur dans sa cellule, dont l’interet reside dans la reponse plaisante du moine). Les deux recits retrospectifs concernent la scene de la punition annoncee a Don Carlos, lorsqu’il etait enfant, pour avoir gifle sa tante, et l’histoire du juif Miquez.
10 Dom Carlos, p. 70.
11 Sur la pratique de la metamorphose du personnage historique dans la nouvelle de Saint-Real nous renvoyons a l’article de Edwige Keller-Rahbe «Les avatars du modele heroique », in Elseneur, n. 20, pp. 149-169.
12 On retrouve cette structure de l’incipit dans la plupart des romans de la premiere moitie du siecle.
13 Le mariage de la reine Elisabeth avec Philippe II ; l'entree de la reine en Espagne et sa rencontre avec les nobles ; l'excursion aux Hieronymites de Saint-Just ; le sejours de don Carlos a Alcala (sa chute) ; l'entrevue de Bayonne ; la conjuration du capitaine Dominique ; les preparatifs de don Carlos pour passer aux Pays-Bas ; le meurtre du marquis de Posa ; l'emprisonnement de don Carlos ; la mort du prince et celle de la reine en 1568.
14 Pour une analyse plus etendue des rapports de l’histoire et de la fiction dans cette nouvelle historique je me permets de renvoyer a mes contributions : L'utilisation des sources et la reecriture de l'histoire : la mort du prince dans Dom Carlos. Nouvelle historique, in «Il Confronto Letterario», Quaderni del Dipartimento di Lingue e Letterature Straniere Moderne dell'Universita di Pavia e del Dipartimento di Linguistica e Letterature Comparate dell'Universita di Bergamo, n. 33, 2000, pp. 149-165 ; L'histoire et la fiction dans Dom Carlos. Nouvelle historique de l'abbe de Saint-Real, in «Annali della Facolta di Lingue e Letterature Straniere dell'Universita di Sassari», n. 0, 2000, pp. 409-43 ; Scrittura aforistica e funzione autenticante nel Dom Carlos. Nouvelle historique (1672), in Carminella Biondi, Carla Pellandra, Elena Pessini (a cura di), Configurazioni dell'Aforisma, vol. III, Bologna, CLUEB, 2000, pp. 25-31.
15 Sur l’importance du cronotope de la nouvelle pour l’elaboration de l’univers fictionnel cree par Saint-Real nous renvoyons a un autre article de Edwige Keller-Rahbe, « L’Espagne dans Dom Carlos de Saint-Real (1672) : configurations et strategies d’enfermement », in Locus in fabula. La topique de l’espace dans les fictions francaises d’Ancien Regime, Actes du XVe Colloque International de la Societe d'Analyse de la Topique Romanesque, 26-29 novembre 2001, Ecole Normale Superieure, Paris, ed. N. Ferrand, Louvain, Peeters, 2004, pp. 200-219.
16 Dom Carlos, p. 50. L’italique est dans le texte.
17 La liste des sources se presente comme une manifestation ostentatoire de connaissances, ce qui devrait attribuer un surplus de credit a l’auteur, mais son but est aussi et surtout celui d’authentifier le recit : « Cette Histoire est tiree de tous les Auteurs Espagnols, Francois, Italiens, et Flamans, qui ont ecrit sur le tems auquel elle s'est passee. Les principaux sont Mr de Thou, Aubigne, Brantome, Cabrera, Campana, Adriani, Natalis Comes, Duplex, Mathieu, Mayerne, Mezerai, le Laboureur sur Castelnau, Strada, Meteren, l'Historien de Dom Juan d'Autriche, les Eloges du P. Hilarion de Cosse, un Livre Espagnol des dits et fais Heroiques de Philippe II une Relation de la mort et des Obseques de son Fils, etc. Elle est encor tiree de diverses Pieces servans a l'Histoire, tant manuscrites, qu'imprimees. Entr'autre d'un petit Livre en vers, intitule Diogenes, qui traitte cette matiere a fonds, et d'un manuscrit de Mr de Peiresc, expres sur ce meme sujet». Ibidem, p. 51.
18 Apres avoir cites les historiographes auxquels il declare s’insirer il ajoute: « Cependant pour plus grande satisfaction des Lecteurs, on a mis a la marge des endroits les plus singuliers et les plus extraordinaires, les auteurs principaux dont ils ont ete tirez». Ibidem.
19 Paris, Chez Guillaume de Luyne, 1673.
20 Cf. Ibidem, pp. 4-5.
21 Le narrateur reprend aux historiens et integre dans son recit meme des sequences narratives deja formellement accomplies, les anecdotes, quelques formules figees dans la description de personnages et situations.
22 Que l'on pense a la fonction marginale, dans le recit de Saint-Real, attribuee a l'artisan francais qui a construit le mecanisme de fermeture de la porte du prince et qui est, en fait, Louis de Foix, ingenieur francais qui travaillait a l’edification de l’Escurial. Ce personnage fut un temoin direct des faits madrilenes de 1568 et son temoignage est a la base du recit de ces evenements fait par l’historien Jacques Auguste de Thou (Iacobi Augusti Thouani Historriarum sui Temporis, pars altera, Parisiis, Apud Ambrosium et Hieronymum Drouart, 1606), l’une des sources les plus frequemment citee dans le paratexte de la nouvelle.
23 Rapports de juxtaposition textuelle, de succession temporelle, d'implication (causalite et motivation).
24 Rene Godenne remarque que «De maniere generale, les nouvellistes exploitent un type de sujet inspire de Dom Carlos: deux grands personnages d'un royaume s'aiment d'un amour rendu impossible pour des raisons politiques, et cet amour connait une issue dramatique». Cf. R. Godenne, Histoire de la nouvelle francaise aux XVIIeme et XVIIIeme siecles, Geneve, Librairie Droz, 1970, p. 86, note 37.
25 Edme Boursault, Le Prince de Conde, Paris, J. Guignard, 1675.
26 C'est le procede exploite aussi, en partie, par Saint-Real, dans La Conjuration des Espagnols contre la republique de Venise en l'an MDCXVIII (Paris, Claude Barbin, 1674). Mais Saint-Real renonce a l'intrigue amoureuse et n'oublie pas de citer ses sources historiques, s'exposant, ainsi, au proces de verification qu'un lecteur cultive pourrait entreprendre.
27 Boursault, Lesconvel, Le Noble, Courtilz de Sandras sont les auteurs les plus prolixes dans ce domaine.
28 Cf. R. Demoris, Le Roman a la premiere personne. Du Classicisme aux Lumieres, Paris, A. Colin, 1975.
29 L'auteur le plus actif dans ce genre de recits est surement Courtilz de Sandras.
30 Enlevements, naufrages, poursuites, emprisonnements, rencontres et reconnaissances miraculeuses...
31 Gomberville, La Calprenede, Desmarets de Saint-Sorlin, Georges et Madeleine de Scudery.
32 La Calprenede et Mlle de Scudery vont jusqu'a introduire des traductions de textes plus anciens, correspondant a l'epoque ou ils situent l'action de leur roman. Quant a leur propos ils n'evitent pas d'appeler la caution de l'histoire: « [...] i'ay voulu que les fondemens de mon Ouvrage fussent historiques, mes principaux personnages marques dans l'Histoire veritable comme personnes illustres et les guerres effectives. », affirme Mlle de Scudery dans sa preface d'Ibrahim ou l'illustre Bassa (Paris, de Sommaville, 1641-1644, I) et La Calprenede, dans la preface de Faramond ou l'histoire de France (Paris, de Sommaville, 1661-1670, I), rencherit en renvoyant ses lecteurs aux sources historiques: « [...] ie ne diray rien de l'origine de nos Roys qui ne soit appuye par un grand nombre d'Autheurs celebres [...] toutes les guerres du premier volume sont dans la verite de l'histoire. ». Nous empruntons les citacions ci-dessus a Rene Godenne, Histoire de la nouvelle francaise aux XVIIeme et XVIIIeme siecles, cit., p. 46, note 2.